ANACAPH et la célébration de la Journée des COOPEC



Photo ANACAPH
Le jeudi 19 Octobre 2017, sur l'invitation de l'ANACAPH, les dirigeants d'une cinquantaine de Caisses Populaires venues des quatre coins du pays se sont réunis dans une des salles de l'Hôtel Montana pour célébrer la Journée des Coopératives d'Epargne et de Crédit. 

Monsieur Manel Castel, Président de l'Association Nationale des Caisses Populaires, a d'une pierre fait deux  coups: il a, dans son allocution de circonstance, ouvert la célébration de la journée internationale des CEC et aussi lancé les festivités des vingt ans de l'ANACAPH qui seront célébrés en 2018. 

 Monsieur Paul Latortue, responsable du programme du MBA de l'UNDH, a été l'invité de marque de cette journée. Il en a profité pour annoncer un partenariat entre l'ANACAPH et l'UNDH pour mettre au point deux programmes de formation, l'une de niveau de licence et l'autre de niveau Master pour les acteurs du secteur. Il s'agit d'une nouvelle de grande importance puisque pour être à la hauteur des défis, le secteur doit investir en formation. 

Le Directeur Général du CNC, Monsieur Serge Chéry, a profité de cette audience pour présenter la vision du Président de la République et les grands chantiers de sa direction dont le recensement géolocalisé des coopératives et d'un colloque national sur le mouvement, prévu pour le mois de Janvier 2018.
 
L'annonce et la présentation de la KèsPam, la solution Mobil Banking d'ANACAPH et de ses partenaires, a été une grande première. Enfin les caisses populaires haïtiennes vont prendre le cap de l'innovation. Je souhaite du succès à cette initiative. 

Après les allocutions de circonstance, un panel a été constitué de Mme Yolène A Jacquet, Directrice d'ANACAPH, Mme Christine A, Toussaint de la Direction des Affaires Juridiques de la BRH, Monsieur Rony François, Président de la Caisse Sainte-Anne de Port-au-Prince, Monsieur Paul Latortue de MBA de l'UNDH et Monsieur Pierre Richard Desmornes, responsable du projet KESPAM. Ils ont traité des sujets liés à la Nouvelle Technologie de l'Information et de la Communication et à l'inclusion financières.

Monsieur Jacques Durocher, ancien Directeur du projet RMCH (Projet de Revitalisation du Mouvement Coopératif Haïtien) a honoré cette journée de sa présence et l'animation a été assuré de façon impeccable par Me Beaubrun. 

Nonais Dérisier
23 Octobre 2017

Les caisses populaires haïtiennes face aux défis des services financiers numériques et de l'inclusion financière


Jeudi 19 Octobre 2017: Journée internationale des Coopératives d'Épargne et de Crédit

            «Nous voulons voir dans un avenir pas trop lointain, la petite marchande de fruits de Pétion-Ville, la boutique du coin de la rue St Honoré, l’artiste ou l’artisan de Boutillier, la vendeuse de DousMakòs à Petit Gôave, le paysan de Value recevoir le paiement pour leurs marchandises à travers une carte de débit délivrée par la banque ou la caisse populaire de son client en toute sécurité, et ce, avec le même niveau de service d’une boutique de luxe de Pétion Ville ou d’un grand supermarché». Tel a été le rêve partagé par le Gouverneur de la BRH, Jean Baden Dubois, à son assistance à l'occasion du lancement du projet du Processeur National de Paiements (PRONAP), le 27 Juillet 2016.
            Le PRONAP est une plateforme qui permettra aux banques, aux caisses populaires et à d'autres institutions non bancaires d'offrir une vaste possibilité de choix d'instruments de paiements électroniques.  Le projet du Processeur National de Paiements a pour objectif de doter le pays d’infrastructures de paiement et de règlements modernes tout en assurant l’interopérabilité entre les différents moyens de paiements et les différents acteurs financiers, d’une part, et d’autre part de promouvoir l’inclusion financière.
            Il s'agit d'une bonne nouvelle qui permettra notamment aux Caisses Populaires d'entrer dans la modernité et de combler près de 15 ans de retard technologique. En effet, depuis 2002, les caisses populaires devraient entamer le processus d'accès à la chambre de compensation de la BRH qui leur donnerait l'opportunité de participer à la création de monnaie comme les banques en émettant des chèques et des monnaies électroniques comme les cartes de débit et de crédit. Si les caisses avaient emprunté cette voie, cela aurait été un levier formidable pour accorder beaucoup plus de prêts, soit plusieurs fois la valeur de l'épargne détenue.
            A cette époque, des institutions financières, notamment des IMF de l'Afrique et de l'Amérique Latine, commencèrent déjà à utiliser de nouvelles technologies dans l'offre de services financiers bien avant les pays dits développés de l'Amérique ou de l'Europe. Citons parmi une multitude d'expériences, celle de PRODEM FFP (Fonds Financier Privé) en Bolivie qui est une institution de microfinance constituée en Bolivie en 1999 dont l’objectif principal est de fournir des services financiers durables à des micros, petites ou moyennes entreprises en zones rurales et urbaines.
            En mai 2001, PRODEM a lancé des cartes à puce et ATMs (distributeurs automatiques de billets de banque) avec reconnaissance des empreintes digitales et instructions vocales pour satisfaire, entre autres, les besoins de ses clients ruraux dont certains ne savent pas lire et n'ont pas de pièces d'identités.  Déjà en 2003, PRODEM avait le plus large réseau de succursales au Bolivie, avec 63 bureaux dont 23 en zones urbaines et 40 en zones rurales. Les clients payaient $ 10 US pour ouvrir un compte et des frais annuels $ 7US, une année après l’ouverture du compte (LA MOBILISATION DE L’EPARGNE..., Isabel Dauner Gardiol, Intercoopération, Berne, février 2004).
            Les cartes de débit comme celles de crédit que le Gouverneur rêve de mettre dans les poches même des modestes gens sont des espèces en voie de disparition rapide (EVDR) qui suivront le même sort que les chèques. Mon rêve de coopérateur utilisateur de produits financiers va beaucoup plus loin que celui du Gouverneur. Il s'inscrit davantage dans la modernité des services finances numériques de la deuxième génération.
            Je rêve, sans me déplacer, à partir de mon portable, gérer mon compte domicilié à la KOTELAM ou à la caisse d'Anse d'Hainault, ou encore à celle de Thiotte, pouvoir le consulter et en faire des transactions sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Je rêve d'utiliser mon compte sur mon portable pour recevoir mes honoraires et d'en disposer pour payer un livre sur Amazon, un billet d'avion en ligne, expédier un transfert au profit de ma tante Mme Dagrin résidant à Marbial, payer l'école de mon garçon, régler mes factures d'électricité, etc. Je rêve aussi d'utiliser mon téléphone pour payer un médicament dans la Pharma-Coop de mon quartier, mes produits de consommation dans le Magasin-Coop dont je suis sociétaire...
            L'agriculteur, le professeur ou la dame Sara de Mabriole ont aussi besoin des mêmes services que moi. Ils rêvent surement de recevoir leurs transferts de Brésil, de Chili ou de la France sur leur téléphone et gérer la somme reçue en effectuant des tirages en fonction de leur besoin dans leur localité sans se rendre en ville à Marigot ou à Belle-Anse.
            Je rêve aussi de formuler ma demande de crédit sur mon téléphone et obtenir un prêt rapide dans quelques minutes, sans me rendre à ma caisse, sans besoin d'avaliseurs, d'agents de crédit et même de comité de crédit. Tout sera fait par des machines utilisant l'intelligence artificielle, l'algorithme et le big data programmées pour être beaucoup plus fiable que l'intervention humaine.
            Mon rêve est loin d'être une pure illusion ou une débile utopie. C'est déjà une réalité pour les clients des IMF de la plupart des pays africains ou de l'Amérique Latine. Nous n'allons pas inventer ni réinventer la finance de demain. Nous n'avons qu'à acquérir les technologies nécessaires et les adapter au besoin. Elles nous coûteront beaucoup moins chères que les immeubles extravagants, les meubles luxueux et les robustes tout-terrains de certaines Caisses Populaires.
            Si le mouvement des caisses populaires haïtiennes n'œuvre pas pour matérialiser mon rêve, des fintech (start-up utilisant la technologie pour offrir des services financiers avec ou sans les banques), les opérateurs de téléphonie mobile, mais aussi les géants de l'internet (Apple, Google, Twitter, Facebook) le feront. Ces derniers se sont déjà lancés dans la finance numérique. Apple avec Apple Pay, Google avec Google Wallet...
            Plus d'un prédit la mort de  la banque et de la monnaie dans un proche avenir. Je ne me souscris pas à ce pronostic alarmiste et sensationnel.  Cependant, je crois dure comme fer que la finance, telle qu'elle est pratiquée par les institutions traditionnelles, est appelé à disparaitre, et avec elle toutes les institutions (banques, caisses, assurances) qui ne prennent pas le cap de l'innovation numérique, qui ne changent pas leur modèle économique.
            Je vous promets très bientôt un document provisoirement intitulé "COMMENT LE NUMÉRIQUE CHAMBARDE LE PAYSAGE FINANCIER et sous-titré : Les Caisses Populaires haïtiennes face aux défis des services financiers numériques et de l'inclusion financière. Il présentera le panorama des services financiers numériques à travers le monde et un état des lieux des initiatives haïtiennes, et fournira aux caisses populaires des propositions et recommandations pour prendre un raccourci technologique pour bondir de la caisse 1.0 à la caisse 3.0. Il s'agit de sortir des services financiers traditionnels actuels pour passer directement aux services financiers numériques de deuxième génération (épargne, crédit, assurance) en utilisant les canaux numériques: le téléphone portable et les terminaux de point de vente (TPV).
            Les sociétaires et la population en générale, tant en milieu urbain et qu'en milieu rural, attendent des Caisses Populaires, des solutions financières simples, mobiles, rapides et à faible coût qui faciliteront leur vie et qui leur apporteront l'inclusion financière et aussi sociale. Le défi est de taille et les caisses populaires doivent réussir le pari de l'innovation  ou se marginaliser si elles arrivent à survivre!
            Nonais Derisier Saincelair, Économiste
Secrétaire Général du Rassemblement des
Coopératives pour le Renouveau et le Développement (RACORD)
18 Octobre 2017