2016 : L'année coopérative haïtienne!

L'année 2015 a été caractérisée, d'après l'IHSI, par la "morosité de l'environnement sociopolitique du pays et des dérèglements climatiques marqués par une sécheresse relativement rude". En effet, 2015 a été une année électorale où se livrait une lutte tenace entre le pouvoir en place qui s'acharne à se maintenir au timon des affaires pouvoir et une opposition atomisée et émiettée, manifestant la volonté d'empêcher au pouvoir d'assurer sa pérennité. Il n'y a pas eu cyclone majeur pour l'année. Cependant la nature n'a pas été clémente avec une sécheresse qui a sévi dans plusieurs régions du pays. Cette situation se traduit par un ralentissement de la croissance économique, avec un PIB qui a cru seulement de 1.7% contre 2.8% l'année précédente, pendant que l'agriculture a chuté de 3.5%  d'après l'IHSI, citant le MARNDR. Le pays a connu une inflation de 11.3%.  A la fin de l’année fiscale, il fallait 51, 76 gourdes pour 1 dollar US alors qu'il en fallait 45, 75  pour un dollar au début de l'exercice (BRH). Cependant la consommation totale a augmenté grâce à l'augmentation des transfert de 11% et des salaire du secteur public de 22%.  Les coopératives haïtiennes, comme tous les secteurs de la vie nationale, avec des défis multiples, commencent une année 2016 qui ne sera certainement pas meilleure que la précédente, et qui est démarrée sur fond de crise politique aiguisée par une impasse électorale.

2016 sera une année décisive pour le mouvement des coopératives haïtiennes. Un agenda coopératif est en préparation. Le mois de septembre marquera le soixante-dixième anniversaire de la création de la première caisse populaire, la Petite Épargne le 22 Septembre 1946 à La Vallée de Jacmel. Cet anniversaire sera commémoré de façon grandiose. Une commission de célébration des 70 ans des Caisses Populaires haïtiennes est déjà mis en place. Le secteur aura une belle occasion pour faire connaitre son poids et sa dimension socio-économique dans un pays où les coopératives souffrent d'une grande méconnaissance.

Parallèlement, le mouvement coopératif haïtien fêtera en 2017 les quatre-vingt années de la création de la première coopérative agricole du pays. En 2016 sera présentée à la nation une organisation nationale regroupant tous les types de coopérative. Cette organisation est issue de la journée internationale des coopératives le 4 juillet 2015. Elle s'occupera de la commémoration des 80 années du mouvement coopératif haïtien.

2016 ne doit pas être seulement une année de commémoration, elle doit être aussi une période de réflexion sur certains défis du secteur et du pays. Comment mettre la finance au service de la production est l'un de ces défis. Il faut trouver le moyen efficace pour raccorder les coopératives financières aux coopératives de production, aux coopératives de logement, etc.

Au cours de cette année, les coopératives financières doivent lever leur visière pour observer l'environnement financier haïtien. Il se trouve dans les tiroirs du gouvernement un avant-projet de loi  qui autoriserait les ACME, FINCA,  FONKOZE et consort à collecter de l'épargne au même titre que les banques et les Caisses Populaires. Avec le vote et la promulgation de ce projet de loi, ces IMF qui sont proactives et agressives dans la quête de marché vont damer le pion aux Caisses Populaires qui avancent surement, mais lentement. Le défi est pour les caisses de se mettre à la hauteur de la concurrence. Déjà pour l'année écoulée, la UNIBANK a mis sur le marché son produit "UNIBANK tout kote" qui vise  plus d'un millier d'agents bancaires (des commerçants) dans les 140 communes et les 670 sections communales du pays. Avec ce produit, elle pourrait collecter tous les jours des centaines de milliers voir des millions de petites épargnes; une question de "ti patat ki pral fè chaj". Pendant les derniers jours de l'année SOGEBANK a, à grand coup de publicité, présenté sa riposte à "UNIBANK tout kote", la "SogeIzi", une copie un bonne et due forme de la première. La différence se trouve surtout dans l'emballage du produit. SogeIzi est "un compte permettant de constituer une épargne et de réaliser des transactions dans un vaste réseau à travers le pays".  BNC est probablement en train de faire la copie de ces produits revus et corrigés qui serait destinée prioritairement aux fonctionnaires, sa clientèle de prédilection. Il n'est que d'attendre! A ne pas oublier la percée de ONA dans la microfinance.

Il faut reconnaître que ces produits participent à une certaine inclusion financière suivant les préceptes de la banque mondiale, repris par la BRH, un accès aux services financiers qui ne contribue nullement à une amélioration des conditions de vie de la population.  

J'avoue que les caisses populaires haïtiennes ne prennent pas encore de disposition pour aller vers les ruraux! La caisse Espoir de Jacmel ne porte pas encore ses produits financiers aux habitants de la sixième section communale de Jacmel:  Montagne La Voute. UNIBANK avec son "Tout kote" arriverait à Cochon Gras bien avant la Caisse SUCCES de Jacmel pour que les Dagrin ne continuent pas à placer leurs économies sur le faîtage ou dans le chaume de leur maison.   Pour avancer vers les ruraux et les plus pauvres des villes, Lionel Fleuristin, Coordonnateur de KNFP, prône une passerelle entre les Caisses Populaires et les Mutuelles de Solidarité. Ces dernières sont des outils financiers majoritairement rencontrés du monde rural qui n'ont pas assez de fonds pour octroyer du crédit et parfois ont le besoin de sécuriser les cotisations de leurs membres. SOCOLAVIM, avec un appui du projet HIFIVE/USAID, a appuyé la création et le financement de Mutuelles de Solidarité au niveau de l'Artibonite. Il est important d'évaluer cette expérience pour en tirer les leçons à vulgariser. 

Pour que les caisses puissent répondre aux défis du moment, il est important que le secteur bouge, notamment avec une structure centralisée de recherche-Action et d'innovation.  Quant aux coopératives non financières, elles doivent se regrouper pour se renforcer, s'affirmer et se développer pour devenir de véritables créatrices de richesses. Les Caisses doivent être leurs bras financiers. Il nous faut aussi la création de nouvelles coopératives: des coopératives de logement, de transport, d'assurance, de consommation... Du pain sur la planche de la prochaine structure nationale de regroupement des coopératives de tous types!

Vive les Coopératives solidaires, intelligentes, visionnaires, innovantes sur le plan social, financier et environnemental. L'union fera notre force! 

Nonais Derisier
5 Janvier 2016