SORTIR DE L’ORALITE POUR TRANSFERER LES COOPERATIVES HAÏTIENNES AUX GENERATIONS FUTURES

Devoir de mémoire, devoir de coopérateurs!

KOTELAM vient de fêter ses 25 ans. Pour la première fois une Caisse haïtienne a commémoré son anniversaire de façon si grandiose et originale. Elle a réalisé plusieurs activités dont une soirée d’honorariat pour rendre un hommage mérité à des personnages et des institutions qui ont contribué au développement de la KOTELAM et du mouvement coopératif haïtien en général. Le mois prochain, la Caisse Sainte-Anne de Camp Perrin aura 66 ans. La caisse Espoir se prépare à fêter ses 40 ans. La Petite Epargne de La Vallée fêtera ses 70 années l’année prochaine en 2016. Nos caisses Populaires ont une riche histoire de 70 ans et nos coopératives agricoles  marchent vers leur 80ème  anniversaire dans deux ans, si on admet que la première COOPA (Coopérative Agricole) date de 1937. Après 80 années – ce qui représente en Haïti est une grande prouesse - l’histoire de nos coopératives et du mouvement restentc encore orale. Aucune biographie n’est écrite sur les acteurs, les institutions et le mouvement.

Il est temps de commencer à coucher sur du papier cette riche histoire qui fait partie intégrante de l’histoire économique et sociale d’Haïti. Tous les pionniers sont déjà partis ou presque. A la Caisse Petite Epargne, il ne reste que trois fondateurs. Un seul à Camp Perrin. Probablement très peu à Saint-Anne de Port-au-Prince. Même à la Caisse Espoir de Jacmel, les rares fondateurs et fondatrices ont plus de 80 années et savourent leurs dernières récoltes. Adeline Jean, l’une des fondatrices de la caisse Espoir, a tiré révérence au début de cette année. Sa caisse ignorait totalement son existence et n’a pas participé officiellement à ses funérailles. Elle fut une héroïne pour avoir décidé de participer en 1976 à des réunions animées par Philipe Jules qui deviendra le plus farouche opposant à la dictature des Duvalier dans le département du Sud-est dans les années 80. 

J’avais, il y a quelques années, commencé à rencontrer des pionniers et acteurs-coopérateurs de premier plan, et mettre sur papier leurs témoignages. J’ai été à Camp Perrin pour rencontrer Monsieur Tessono Dieuvé, le seul survivant des fondateurs de la CAPOSAC. Il avait 29 ans à la création de la caisse en 1949. Il avait en 2012 92 ans. Il a passé plus de 50 ans au service de la caisse particulièrement au niveau de la formation des membres. J’ai aussi écouté les témoignages de M. Pierre Percy.  Il a assisté à l’assemblée constitutive de la caisse à titre d’observateur. Il avait 23 ans. Il a 43 ans de service à la CAPOSAC à titre de dirigeant, en 2012. Il siège aujourd’hui au comité de surveillance. Il est un coopérateur passionné. Il a participé à la création et a dirigé la Coopérative Caféière de Vachon. Il fut maire de Camp Perrin de 1971 à 1983. J’ai eu le privilège de dactylographier son  manuscrit sur l’histoire de la CAPOSAC, cinq à six pages au total.

A la Vallée, j’ai rencontré M Franck et Obiès deux des trois membres fondateurs encore en vie. J’ai aussi rencontré des moins vieux ou des plus jeunes comme Joseph Payen, pour me révéler l’histoire et l’œuvre de Philipe Jules, un coopérateur qui me passionne. Je vous raconterai son histoire.

A Jacmel, j’ai rencontré à plusieurs reprises M Destines Joassaint, le vulgarisateur coopératif, André Pierre-Louis, le gérant et Emile Pen, notaire public, originaire de Marigot. Ce dernier fêtera son 93e anniversaire, le 12 mars 2015. J’ai aussi rencontré Me Bernadel de KOTEM des Nippes, un coopérateur irréductible. De ces rencontres entretiens, j’ai pu écrire des textes de 3 à 5 pages sur Caposac, Confiance Marigot, Espoir Jacmel, Kotem de Miragoane. J’ai aussi écrit sur SOCOLAVIM, COOPECLAS et KOTELAM. Soulignons que Mme Gilot Gladys a aussi écrit et présenté quelques pages sur sa Caisse, la KOTELAM. Cependant on ne peut pas raconter l’histoire d’une vie de 25 à 70 ans en cinq pages.

Dans mon travail, j’ai rencontré certaines embuches, notamment la disponibilité des archives. Les témoignages sont importants. Mais la documentation est essentielle pour comprendre, présenter,  expliquer le chemin parcouru par nos coopératives et tirer des leçons pour demain.  A la CAPOSAC (66 ans d’histoire), les archives ont été emportées par la Ravine du Sud dans sa fureur. A la Caisse Espoir, pendant l’aménagement du local, les documents de la caisse, dans une valise,  ont été dérobés. Pour la Petite Epargne, les documents anciens ont été déposés dans un endroit très humide et sont en très mauvais état. Pour les documents existants, ils sont souvent empilés dans des espaces non appropriés et personne n’est disponible pour les inventoriés et les classés. On peut et on doit reconstituer une partie des archives, cela exige du temps et la collaboration des dirigeants.

Les coopératives sont appelées à traverser plusieurs générations. Les coopérateurs de la génération présente ont pour mandat de transférer leur coopérative à la génération à venir comme la précédente l’avait transmise. L’élaboration de l’histoire de nos coopératives est un chantier nécessaire. J’aimerais mettre sur papier l’histoire d’une ou deux caisses à partir de cette année. Mes préférences seraient pour des caisses Les Saintes Anne de Port-au-Prince et de Camp Perrin, l’Espoir de Jacmel, Petite Epargne de la Vallée, Kotem de Miragoane ou des caisses récente comme KOTELAM ou KOPECLAS. Maitre Jean Bernadel, pour KOTEM, Prinvil pour KOTELAM et tant d’autres pourraient, devraient mettre sur papier l’histoire de leur caisse, qui est aussi une partie de leur biographie personnel. Aujourd’hui tout le monde peut être écrivain.

Il faut absolument retirer nos coopératives de l’oralité pour mieux transférer le mouvement aux générations à venir. Notre devoir de mémoire ! Notre devoir de coopérateur.
Nonais Derisier
10 Février 2015