Le cas de la caisse populaire SUCCES de Jacmel
La transparence, la reddition des
comptes, l’obligation des résultats, le choix libre des dirigeants par voie électorale constituent des composantes fondamentales de la démocratie
occidentale. En Haïti, depuis près de trois décennies ou même plus, beaucoup de
salives, d’encres et de sangs ont été versés sur le chemin menant vers la
démocratie. Les résultats sont maigres, s’ils ne sont pas nuls voire négatifs. A titre d'illustration: notre nouveau premier
ministre a déclaré sur les ondes de la
radio vision 2000 et je cite « la transparence a ses limites. » Notre
ex-premier ministre n’a pas répondu à plusieurs invitations et convocations du
parlement, donc il ne rend pas compte de sa gestion de la chose publique.
La nation n’arrive pas à organiser des élections pour renouveler les élus. Les
précédents gouvernements n’ont pas fait mieux. On a en mémoire un premier
ministre qui a soumis au parlement un album de photos comme preuve de
réalisation en guise de rapport de dépense.
Les coopératives haïtiennes, particulièrement les caisses populaires, se
prêtent régulièrement aux exercices démocratiques. Elles organisent
annuellement une assemblée générale – la réunion de tous les sociétaires- pour
la reddition des comptes de la gestion des élus par devant l’assemblée
générale et aussi pour inviter les membres à choisir librement leurs dirigeants
par voie électorale.
Ce dimanche 18 janvier 2015, les sociétaires de la Caisse SUCCES de Jacmel
ont, une fois encore, expérimenté la vie
démocratique coopérative. La caisse a tenu sa treizième assemblée
générale au local de la douane
fraichement aménagée en Centre de Convention sis aux abords du wharf de la
magnifique baie de Jacmel. Depuis
quatorze ans, SUCCES renouvelle cet exercice tous les ans. Ils étaient plus de
600 sociétaires et des sympathisants et amis de la caisse à participer à cette
grande manifestation coopérative.
Au beau milieu de la journée, après
les 12 coups de midi, la président Mme Marie-Ange Dagrin Lindor déclare
l’assemblée ouverte en fonction des pouvoirs que lui confère la loi. Et elle
invite l’assistance à se mettre debout pour cantonner l’hymne national et
l’hymne coopérative. Puis le secrétaire, Mr Brice-Samson Louis, procède à la
lecture de l’avis de convocation, de l’ordre du jour et du procès-verbal de la
dernière Assemblée Générale. Suite à ces
formalités, la Présidente revient à la barre pour présenter le rapport du
Conseil d’Administration de la Caisse. Après
avoir présenté brièvement la situation non luisante de l’économie haïtienne, elle a
présenté les principales réalisations de sa caisse pour la période close au 30
septembre 2014. Citons, entre autres : la formation de deux cent
sociétaires, la création de nouveaux produits de crédit pour les petits
marchands et les entrepreneurs, etc. La présidente a aussi présenté la
performance financière de la caisse et les principales activités à réaliser
pour le prochain exercice. La caisse poursuivra le programme de formation pour
les sociétaires, elle fera de la promotion pour augmenter son membership,
offrira le service chéquier, utilisera de la technologie pour imprimer les
écritures sur le carnet des sociétaires... La grande nouvelle : la caisse
SUCCES sera logée dans son propre local. Elle a fait l’acquisition d’un
immeuble qui est restauration. Les
institutions comme les individus éprouvent toujours du plaisir pour laisser le
loyer et rentrer chez soi. Enfin, la présidente a remercié toutes les institutions
et les personnes qui ont contribué au succès de la caisse SUCCES.
Après la présidente, il revient à la Directrice, Mme Ketsia Métellus Janvier
de présenter les rapports financiers de la Caisse : le rapport de
vérification, le bilan, les états de la répartition et de la trésorerie.
Les principaux indicateurs financiers de la caisse ont connu une croissance de
8 à 30%. L’actif de la caisse est de près de cent dix millions de gourdes. Il a
accusé une croissance de près de 15 %.
Les portefeuilles d’épargne et de crédit s’élèvent respectivement à
soixante-douze millions et soixante-deux millions de gourdes. Ils ont cru de
20 et de 25 %. L'avoir et les excédents de la caisse sont respectivement de trente-sept
millions et de huit millions de gourdes. La caisse est très rentable avec 8% de
l’avoir sur l’actif. Elle est aussi très solide avec un taux de capitalisation
de 34 %. SUCCES engage seize collaborateurs et collaboratrices et dessert douze mille six cents membres.
Le comité de crédit et le comité de surveillance ont soumis à l’assemblée leur rapport tour à
tour. Le portefeuille de crédit de la caisse s’élève à plus de soixante-et-un
millions gourdes. Plus de mille prêts ont été accordés totalisant plus de
quatre-vingt-huit millions de gourdes. Le comité de crédit n’a pas déclaré les
secteurs d’activités financés, ni la portion de crédit octroyée aux femmes et
aux personnes vivant en milieu rural. De son côté le comité de surveillance
affirme que la caisse est bien gérée et que les dirigeants et le personnel
méritent la confiance des sociétaires.
Après la présentation des différents rapports, la parole a été confiée aux
sociétaires pour questionner, commenter et faire des propositions. Un vrai exercice démocratique ! Les dirigeants
ont, comme de bons serviteurs, répondu aux questions et surtout écouté les
membres de la caisse. Mr Hebert Lahatte, l’un des membres fondateurs de SUCCES
en a profité pour manifester sa satisfaction pour le chemin parcouru par sa
caisse. L’assemblée s’est terminée après la tenue des élections pour combler les
postes vacants dans les différent conseil et comités.
Plusieurs invités ont honoré l’assemblée de leur présence : Dorlus
Jackson de l’ANACAPH, Sony Exantus de Le Levier ainsi que les responsables des Caisses Espoir, Confiance, Avenir, Petite
Epargne. Ils se sont exprimés pour féliciter les sociétaires et les
responsables de la caisse.
La Caisse SUCCES a une très bonne participation des femmes à des postes de
décision. Les postes de la présidence du Conseil d’Administration et du comité
de crédit, la Direction Générale et des opérations sont tous occupés par des
femmes.
Nos coopératives, particulièrement nos
caisses populaires, organisent annuellement une Assemblée Générale pour
présenter des rapports financiers vérifiés par des comptables externes et des
rapports de gestion, pour répondre aux questions des sociétaires et pour procéder
à des élections en vertu du principe : une voix, un vote. Elles entretiennent aussi la séparation des
pouvoirs : le pouvoir de l’Assemblée Générale, l’autorité suprême qui élit
les dirigeants et prend les grandes décisions en vertu de la loi et des statuts ;
le pouvoir du conseil d’administration qui met en œuvre les décisions de l’assemblée ;
le pouvoir du comité de crédit - pour
les caisses - qui administre le crédit de façon souveraine et le pouvoir de contrôle
du comité de surveillance. Les coopératives procèdent aussi à la séparation entre
la fonction de décision du conseil d’administration, et celle d’exécution de la
direction chargée d’assurer la gestion quotidienne des services. Nos
coopératives sont des organisations profondément démocratiques, une école d’apprentissage
des pratiques de la démocratie. D’ailleurs, la formule coopérative est
enseignée aux jeunes écoliers pour leur apprendre à vivre ensemble, à prendre
des décisions, à s’organiser, à respecter les principes, à développer leur
leadership …
Nonais Dérisier
19 Janvier 2015