L'économiste Kesner Pharel |
L'économiste Kesner Pharel
interroge le Gouverneur de la BRH, M. Jean Baden Dubois
Dans le cadre de l’émission intitulée « Grand Rendez-vous
économique » du Group Croissance sur
les ondes de la Radio et Télé
Métropole, l'économiste Kesner Pharel a interrogé le 2 Janvier 2017 le
Gouverneur de la BRH, Monsieur Jean Baden Dubois. D'entrée de jeu, le
Gouverneur a formulé ses vœux de prospérité à la nation. En bon banquier, il
entend par prospérité la santé physique et la santé financière.
M. Jean Baden Dubois |
Il a présenté son équipe, les membres de son Conseil
d'Administration, composée de:
·
Georges Henry
Fils, Gouverneur-Adjoint. Il détient un DEA en Économie Appliquée de l'Université d’Aix Marseille III, Faculté d’Économie Appliquée (diplôme 3ème cycle) Aix en
Provence – France. Il a été secrétaire d'État puis Ministre de l'Économie et
des finances. Il est à son troisième conseil d'administration de la Banque
Centrale.
·
Georgette
Jean-Louis, Directrice Générale, Membre du Conseil d’Administration de la BRH
de novembre 2011 à décembre 2015. Recrutée par Lesly Délatour, elle a été
directrice de la supervision de la BRH pendant plusieurs années. Elle est
diplômée en comptabilité
à l'Université de Illinois, Chicago, USA.
\
·
Ronald
Gabriel, Membre. Il est titulaire d'une maîtrise en économie de l'Université de
Montréal, avec plus de 25 ans d’expérience à la Banque de la République d'Haïti
(BRH). Il a été, pendant 12 ans, Economiste en chef de la BRH.
·
Fritz
Duroseau, Membre. Il détient une Maîtrise en Sciences Economiques option
économétrie à l'Université du Québec à Montréal.
La BRH est donc dirigée par un Conseil d'Administration
dont les membres sont bien formés et très expérimentés. Modestie oblige, le Gouverneur
n'a pas voulu se présenter. La BRH, sur son site web, le présente comme un
"Professionnel très respecté dans le système financier haïtien combinant
25 ans d'expérience de banque commerciale et de banque centrale". Il est vieux ou expérimenté de 20 ans à la
BRH. Après sa licence en génie de l'Université d'Etat d'Haïti, Faculté des
Sciences, Port-au-Prince, il a décroché un Master en Sciences à l'Université de
l’Illinois, Chicago. Il a bénéficié de plusieurs formations de haut niveau en
finance, monnaie, inclusion financière, ... dans de grandes universités comme
Havard University.
Dans cet entretien, le Gouverneur a dressé le bilan de
l'année écoulée. Le taux de croissance a été de 1.4 % alors que la prévision a
été de 3.6 %. Le taux d'inflation a atteint 12.5 % pour l'année 2016. Le taux
de change est passé de 58 gourdes à plus de 68 gourdes pour un dollar américain.
La seule note positive : l'agriculture est passée d’une croissance de moins de
5 % à plus de 3 %.
Le défis se trouve au niveau de la balance des paiements.
Il s'agit d’un défi structurel. Les exportations ont été de 100 millions de
dollars par mois alors que les importations s'élevaient à plus de 300 millions
de dollars. Il est surtout composé d'importation des produits alimentaires. Ce
niveau d'exportation de produits alimentaires prouve qu'il existe un marché
local.
Nos importations sont surtout financées par les
transferts de devises qui s'élèvent à près de 2.3 milliards de dollars l'an.
Les dons n'ont été que de 345 millions pour l'année écoulée, le plus bas niveau
depuis quelques années.
D'après une récente étude, affirme le Gouverneur, un
investissement de 3% au niveau de l'agriculture correspond à une augmentation
de 1.2% du PIB. Pour minimiser les
risques liés à l'agriculture, la BRH a commandité plusieurs études pour une
assurance agricole. "Nous sommes sur la bonne voie pour avoir une
assurance agricole, affirme le Gouverneur". Par ailleurs, la BRH est en
pourparler avec le Ministère de l’économie et des finances pour un fonds de
garantie pour partager les risques du secteur agricole.
Le service de la dette externe est autour de 45 millions.
La dette externe avoisine les 2 milliards de dollars dont 1.7 millions sont
contractés dans le cadre du programme PétroCaribe. La dette interne est de 42
milliards de gourdes qui ne sont pas payés depuis près d'un an.
Dans cet entretien, le Gouverneur a présenté la vision du
présent Conseil de la BRH. Il rêve d'une Banque Centrale moderne et efficiente,
une banque Centrale du XXIè siècle. Comme toute Banque Centrale, la
BRH se soucie de la stabilité macro-économique. La BRH a aussi la mission
d'être la caisse de l'État. Elle tient les comptes de l'État. Le présent conseil
s'est donné une nouvelle mission : l'inclusion
financière.
Le Conseil actuel oriente la BRH vers la croissance après
30 ans de stabilisation. Le gouverneur rêve d'une Haïti plus riche et aussi
inclusive.
L'économiste Kesner Pharel a trouvé paradoxal d'avoir une
banque moderne dans une économie qui ne l'est pas. D'après le Gouverneur, le système
bancaire est en bonne santé. Il est supervisé, régulé et rentable avec des
profits extrêmement intéressants. La BRH souhaite utiliser le système financier
comme un couloir de transmission pour financer les entreprises privées pour
aboutir à la croissance. La BRH veut orienter la finance vers le secteur réel
ou productif.
Pour le Gouverneur, on ne peut pas penser au
développement et à la croissance sans parler de l'agriculture. La BRH a des
incitations spéciales pour favoriser le financement de l'agriculture. Pour les banques, elle déduit les fonds octroyés
à l'agriculture des réserves obligatoires.
La BRH souhaite que les agriculteurs aient du financement
abordable aux taux d'intérêt de moins de 10% l’an, aux environs de 6%.
Pour être productif, la BRH prône des investissements
dans le capital humain. Elle développe des partenariats avec plusieurs
institutions pour favoriser la formation universitaire et professionnelle.
L'éducation intéresse la BRH au premier chef, martèle le Gouverneur de la BRH.
Pour aboutir à la croissance, outre les incitations, la BRH
décide de réaliser du lobbying pour un cadre légal approprié et une
harmonisation entre la politique publique et la politique monétaire. Elle
appuiera l'adoption de lois pro-croissances, telles les lois sur le leasing ou le
gage sans dépossession, sur la microfinance, sur le bureau de crédit, sur les
assurances et sur le travail de nuit, ainsi que l'amendement de la loi sur les
coopératives. Le Bureau de Crédit va permettre
de démocratiser le crédit. On n'aura plus besoin de référence ou d'avaliseur.
Le Gouverneur souhaite œuvrer pour une classe moyenne
élargie pour créer un marché interne. Il faut qu'il y ait plus de couturiers,
de cordonniers, d'ébénistes…. Il se demande pourquoi 30% des meubles utilisés
dans les institutions publiques ne sont pas fabriqués localement ?
Pour ouvrir un marché national et la croissance souhaitée,
la BRH n'intervient pas directement, mais, par le biais du système financier qui
est composé des banques et des autres institutions financières, notamment les coopératives.
Le Gouverneur souhaite que les coopératives se structurent, se modernisent pour
offrir des services de proximité puisqu'elles sont plus proches de la
population.
Local de la COOPECLAS |
La BRH est prête à refinancer les institutions
financières qui octroient du crédit dans les filières de production agricole, l'agro-industrie
et les industries tournées vers l'exportation.
Il y a de plus en plus de ressources dans le système,
note M. Pharel. Mais il y a plus de devises que de la monnaie locale à cause de
l'anticipation négative. Le consommateur préfère conserver ses avoirs en
monnaie forte. Pour le Gouverneur, il est plus intelligent d'acheter des bonds
de la BRH.
Les bonds de la BRH sont indexés à la dépréciation de la
monnaie locale. Ce produit est disponible dans toutes les institutions
financières de la place y compris les coopératives d'épargne et de crédit. Le
montant minimum d'un bond est de 50 000 gourdes. Le détenteur bénéficiera des intérêts de 7 %
plus la différence du taux de change. Les bonds BRH permettent à la population
d'économiser en monnaie locale sans courir le risque de la dépréciation de la
gourde. Cependant, la population n'utilise pas assez cet outil. Sur 2 milliards
prévus, la BRH n'a vendu que 169 millions de gourdes de bond.
Le gouverneur en a profité pour informer que la Banque Centrale
ne garantit pas les dépôts en dollars.
Par ailleurs, le Gouverneur s'insurge contre la fixation des
prix en dollars avec un taux de change décidé par l'entreprise alors qu'il y a
un taux de référence. Nous évoluions
dans une économie en gourde, à moins qu'on dollarise l'économie, ce qui n'est
pas souhaitable pour ne pas exclure une partie de la population, d'après le
Gouverneur. A ce sujet, le gouverneur souhaite une loi sur la protection des
consommateurs.
Kesner Pharel a interrogé le Gouverneur sur la
concentration bancaire: trois banques contrôlent 80 % des ressources et 73% des
prêts. D'après la Gouverneur, le système est en très bonne santé : les avoirs
ont augmenté de 43% avec de nouveaux investissements, donc des fonds frais. Après
2010, les banques ont investi dans l'assurance pour devenir des conglomérats.
Il n'y a pas de problèmes de concentration. Les banques sont très profitables. Le
gouverneur aimerait que les coopératives soient aussi profitables.
Il souhaite aussi que le système financier soit utilisé
comme couloir pour donner beaucoup plus de crédits aux petites, micro et
moyennes entreprises pour qu'elles se développent de façon à augmenter l'assiette
économique qui doit être élargie pour assurer la survie du système.
Il travaille pour la création de produits de crédit à l'éducation
pour les métiers vocationnels. Au niveau de l’immobilier, il souhaite que tous aient
une maison décente à bon marché et que les prix des loyers baissent. Le
gouverneur souhaite l'avènement de développeurs en immobilier. D'après lui,
Haïti est un rare pays où les pauvres construisent leurs propres maisons. Cette
option est couteuse. Avec des développeurs, on ferait de l'économie d'échelle
et on pourrait occuper une maison dans une zone sécurisée, avec l'eau et
électricité garanties.
En définitive, ce 2 Janvier, l'économiste Kesner Pharel, nous a gratifié d'un remarquable "Grand
Rendez-vous Économique" avec le Gouverneur de la BRH qui a annoncé une batterie de
mesures pro-croissances. La BRH décide d'orienter
l'économie vers la croissance après 30 ans de stabilisation pour parvenir à une
Haïti plus riche et aussi inclusive. Que
les fruits tiennent la promesse des fleurs et que la croissance soit vraiment
au rendez-vous à partir de l'année 2017.
Nos félicitations et
remerciements à M. Kesner Pharel.
Nonais Dérisier Saincelair,
Économiste
24 Janvier 2017