Le PRONAP est une
plateforme qui permettra aux banques, aux caisses populaires et à d'autres
institutions non bancaires d'offrir une vaste possibilité de choix
d'instruments de paiements électroniques.
Le projet du Processeur National
de Paiements a pour objectif de doter le pays d’infrastructures de
paiement et de règlements modernes tout en assurant l’interopérabilité entre
les différents moyens de paiements et les différents acteurs financiers, d’une part, et d’autre part de
promouvoir l’inclusion financière.
Il s'agit d'une bonne
nouvelle qui permettra notamment aux Caisses Populaires d'entrer dans la
modernité et de combler près de 15 ans de retard technologique. En effet,
depuis 2002, les caisses populaires devraient entamer le processus d'accès à la
chambre de compensation de la BRH qui leur donnerait l'opportunité de
participer à la création de monnaie comme les banques en émettant des chèques
et des monnaies électroniques comme les cartes de débit et de crédit. Si les
caisses avaient emprunté cette voie, cela aurait été un levier formidable pour
accorder beaucoup plus de prêts, soit plusieurs fois la valeur de l'épargne
détenue.
A cette époque, des institutions
financières, notamment des IMF de l'Afrique et de l'Amérique Latine,
commencèrent déjà à utiliser de nouvelles technologies dans l'offre de services
financiers bien avant les pays dits développés de l'Amérique ou de l'Europe.
Citons parmi une multitude d'expériences, celle de PRODEM FFP (Fonds Financier
Privé) en Bolivie qui est une institution de microfinance constituée en Bolivie
en 1999 dont l’objectif principal est de fournir des services financiers
durables à des micros, petites ou moyennes entreprises en zones rurales et
urbaines.
En mai 2001, PRODEM a
lancé des cartes à puce et ATMs (distributeurs automatiques de billets de
banque) avec reconnaissance des empreintes digitales et instructions vocales
pour satisfaire, entre autres, les besoins de ses clients ruraux dont certains
ne savent pas lire et n'ont pas de pièces d'identités. Déjà en 2003, PRODEM avait le plus large
réseau de succursales au Bolivie, avec 63 bureaux dont 23 en zones urbaines et
40 en zones rurales. Les clients payaient $ 10 US pour ouvrir un compte et des
frais annuels $ 7US, une année après l’ouverture du compte (LA MOBILISATION DE L’EPARGNE...,
Isabel Dauner Gardiol, Intercoopération, Berne, février 2004).
Les cartes de débit comme celles
de crédit que le Gouverneur rêve de mettre dans les poches même des modestes
gens sont des espèces en voie de disparition rapide (EVDR) qui suivront le même
sort que les chèques. Mon rêve de coopérateur utilisateur de produits financiers
va beaucoup plus loin que celui du Gouverneur. Il s'inscrit davantage dans la
modernité des services finances numériques de la deuxième génération.
Je rêve, sans me déplacer, à partir de mon portable, gérer mon compte
domicilié à la KOTELAM ou à la caisse d'Anse d'Hainault, ou encore à celle de
Thiotte, pouvoir le consulter et en faire des transactions sept jours sur sept
et vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Je rêve d'utiliser mon compte sur mon
portable pour recevoir mes honoraires et d'en disposer pour payer un livre sur
Amazon, un billet d'avion en ligne, expédier un transfert au profit de ma tante
Mme Dagrin résidant à Marbial, payer l'école de mon garçon, régler
mes factures d'électricité, etc. Je rêve aussi d'utiliser mon téléphone pour
payer un médicament dans la Pharma-Coop de mon quartier, mes produits de consommation
dans le Magasin-Coop dont je suis sociétaire...
L'agriculteur, le
professeur ou la dame Sara de Mabriole ont aussi besoin des mêmes services que
moi. Ils rêvent surement de recevoir leurs transferts de Brésil, de Chili ou de
la France sur leur téléphone et gérer la somme reçue en effectuant des tirages
en fonction de leur besoin dans leur localité sans se rendre en ville à Marigot
ou à Belle-Anse.
Je rêve aussi de formuler ma demande de crédit sur mon téléphone et
obtenir un prêt rapide dans quelques minutes, sans me rendre à ma caisse, sans
besoin d'avaliseurs, d'agents de crédit et même de comité de crédit. Tout sera
fait par des machines utilisant l'intelligence artificielle, l'algorithme et le
big data programmées pour être beaucoup plus fiable que l'intervention humaine.
Mon rêve est loin d'être
une pure illusion ou une débile utopie. C'est déjà une réalité pour les clients
des IMF de la plupart des pays africains ou de l'Amérique Latine. Nous n'allons
pas inventer ni réinventer la finance de demain. Nous n'avons qu'à acquérir les
technologies nécessaires et les adapter au besoin. Elles nous coûteront
beaucoup moins chères que les immeubles extravagants, les meubles luxueux et
les robustes tout-terrains de certaines Caisses Populaires.
Si le mouvement des
caisses populaires haïtiennes n'œuvre pas pour matérialiser mon rêve, des
fintech (start-up utilisant la technologie pour offrir des services financiers avec
ou sans les banques), les opérateurs de téléphonie mobile, mais aussi les
géants de l'internet (Apple, Google, Twitter, Facebook) le feront. Ces derniers se sont déjà lancés dans la finance numérique. Apple avec Apple Pay, Google avec
Google Wallet...
Plus d'un prédit la mort
de la banque et de la monnaie dans un
proche avenir. Je ne me souscris pas à ce pronostic alarmiste et
sensationnel. Cependant, je crois dure
comme fer que la finance, telle qu'elle est pratiquée par les institutions
traditionnelles, est appelé à disparaitre, et avec elle toutes les institutions
(banques, caisses, assurances) qui ne prennent pas le cap de l'innovation numérique, qui
ne changent pas leur modèle économique.
Je vous promets très bientôt un document provisoirement
intitulé "COMMENT LE
NUMÉRIQUE CHAMBARDE LE PAYSAGE FINANCIER et sous-titré : Les Caisses Populaires haïtiennes face aux
défis des services financiers numériques et de l'inclusion financière. Il présentera le panorama des services financiers
numériques à travers le monde et un état des lieux des initiatives haïtiennes, et
fournira aux caisses populaires des propositions et recommandations pour prendre
un raccourci technologique pour bondir de la caisse 1.0 à la caisse 3.0. Il
s'agit de sortir des services financiers traditionnels actuels pour passer directement
aux services financiers numériques de deuxième génération (épargne, crédit,
assurance) en utilisant les canaux numériques: le téléphone portable et les terminaux
de point de vente (TPV).
Les sociétaires et la
population en générale, tant en milieu urbain et qu'en milieu rural, attendent des
Caisses Populaires, des solutions financières simples, mobiles, rapides et à
faible coût qui faciliteront leur vie et qui leur apporteront l'inclusion
financière et aussi sociale. Le défi est de taille et les
caisses populaires doivent réussir le pari de l'innovation ou se marginaliser si elles arrivent à survivre!
Nonais Derisier Saincelair, Économiste
Secrétaire Général
du Rassemblement des
Coopératives pour
le Renouveau et le Développement (RACORD)
18 Octobre 2017