Introduction
Avant les années 90, les caisses populaires
n’avaient pas de personnel professionnel, mais des gérants semi-bénévoles[1].
André Pierre-Louis, un marchand tailleur, affectueusement appelé Bòs
André, est l'un des prototypes de cette catégorie de gérants. Il assura
la gestion de la caisse Espoir de Jacmel pendant 25 ans. A cette étape de
l'évolution des caisses populaires haïtiennes, elles ne produisaient pas
de rapports financiers fiables et vérifiables. A partir de 1997-98,
certaines caisses sont dotées d’un manuel de politique et de procédures
administratives et comptables qui a favorisé la production régulière des rapports
financiers qui sont vérifiés par des comptables indépendants et agréés par
l’ordre des comptables. A partir de 2000 les caisses ont informatisé leurs
opérations et la BRH assure leur inspection suite à la promulgation de la loi
de 2002 sur les Caisses Populaires. Aujourd’hui les caisses sont dotées d'un
contrôleur interne ou d'un service de contrôle interne. Soulignons aussi que
les actifs des Caisses pour la plupart valaient moins d'un million ou de
quelques rares millions de gourdes pour s'élever aujourd'hui à plus de 400
millions de gourdes pour les plus riches. Que de changements dans moins de
vingt ans. Il devrait y avoir aussi des changements notables au niveau de la
fonction surveillance ou dans le travail des comités de surveillance dans les
Caisses Populaires haïtiennes. Qu'en est-il?
Le mandat du comité de surveillance
La loi haïtienne sur les caisses populaires
donne deux mandats au comité de surveillance. L'article 55 lui confine dans le rôle de
contrôleur indirect[2] des
opérations. Il stipule : « Le comité de surveillance a pour
fonction de surveiller les opérations de la CEC».[3]
Dans cette fonction de contrôleur des
opérations, le comité de surveillance « doit s’assurer notamment
que: a) la vérification de l’encaisse et des autres éléments de l’actif est
faite, b) les opérations de la CEC sont conformes à la présente loi et aux
règlements qui lui sont applicables en vertu de la présente loi, c) les
affaires internes et les activités de la CEC sont inspectées conformément aux
dispositions de la présente loi, d) la CEC se soumet aux normes et aux
instructions prises en vertu de la présente loi, e) les règles adoptées par la
CEC sont respectées.»
L'article 56 étend le rôle du comité de
surveillance à la gestion des plaintes des sociétaires. Cependant aucun mécanisme
n'est mis en place dans la plupart les caisses pour «recevoir les
plaintes des sociétaires, d’en saisir au besoin les autres organes de la CEC et
de répondre au plaignant», comme l'exige la loi.
Au regard de la loi, le CS a donc deux fonctions essentielles:
le contrôle des opérations et la gestion des plaintes des sociétaires. Il
s'agit d'un mandat assez réducteur. Il devrait au moins s'étendre au contrôle
de la gestion en assurant le suivi, le contrôle et l'évaluation des plans
(stratégiques et opérationnels), des budgets et des rapports financiers et de
gestions.
Principales tâches du comité de surveillance
Pour caricaturer le rôle actuel des CS voici
un extrait d'un rapport d'un comité de l'une des plus grande caisses populaires
du pays.
«Durant l`année sociale 2012-2013, le Comité
de Surveillance a noté pour vous, ce qui suit : A part les visites et les
coups d’œil, de temps à autre, de chacun de nous pour le contrôle du
fonctionnement de la Caisse, il s`était réuni 16 fois au siège et 12 fois au Comptoir
de ... pour contrôler et vérifier les liquidités des 6 Caissettes et des 2
Coffres-forts, les dépôts bancaires à l`Epargne courant et à Terme et les
Effets à Recouvrement. Et aucune anomalie n`a été relevée dans les deux centres
de service. Ce qui a dénoté le sérieux et la compétence des
responsables. »
Puis le rapport fait état du nombre de
rencontre réalisée par le comité de crédit ainsi que la valeur et le montant
des prêts accordés. Il fait aussi état des progressions de la caisse
en termes d'actif et d'autre indicateur.
La réalisation des inventaires demeure la tâche ou l'une
des taches la plus importante des comités de surveillance. En Haïti,
la majorité des caisses populaires clôturent leur exercice comptable et
produisent leurs rapports financiers au 30 septembre de chaque année. Pour
réaliser le bilan de l'exercice comptable, elles doivent procéder à
l'inventaire de leur caisse, de leur stock et de leurs biens meubles et
immeubles. L'idée reçue[4] sur
la réalisation de l'inventaire : il est de la responsabilité du comité de
surveillance. L'inventaire, étant le dénombrement et l'évaluation
des numéraires, des stocks et des autres biens de l'entreprise nécessaires à
l'établissement du bilan, est du ressort des personnes chargées de réaliser les
rapports financiers. Le responsable des opérations, le comptable, le
responsable financier et le directeur général sont responsables de la
réalisation de l'inventaire pour dresser le bilan. Ils le font en fonction des
normes du métier. Le comité de surveillance en tant que contrôleur de gestion
peu à tout moment réaliser l'inventaire, mais il n'est pas obligé puisque des
professionnels sont rémunérés pour le réaliser. Il n'a pas donc besoin de
vérifier lui-même, l'encaisse et les autres éléments d'actif... Il doit
s'assurer ou avoir la certitude de leur réalisation... Le comité de
surveillance de la SOCOLAVIM n'a plus besoin de se fendre en six morceaux (ce
qui est impossible) pour réaliser l'inventaire des caissettes, des caisses et
du coffre des six point de service de la caisse au 30 Septembre de chaque
année.
Les rapports du contrôle interne, des
services d'inspection, notamment de la BRH, et de la vérification annuelle
devraient être les principaux instruments de contrôle des comités de
surveillance.
Le CS au-delà du contrôle de gestion
De nos jours des coopérateurs et aussi des
détracteurs affirment que les caisses sont devenues des banques, critique
rejeté d'un revers de main par certains dirigeants. Il revient aux membres des
CS de vérifier si les caisses ne se détournent pas de la vision, des valeurs,
de la mission et des principes coopératifs pour se transformer en deux
véritables banques de type capitaliste, ne s'intéressant qu'à l'argent et non
aux bien être des sociétaires et au développement de la communauté. C'est à eux
de vérifier si les caisses ne font pas le commerce de la manière des
entreprises capitalistes.
En plus du contrôle de gestion, le comité de
surveillance doit se préoccuper de l'évaluation du fonctionnement de
la caisse dans ses dimensions éthiques, déontologiques et coopératives. Il s'assure
que la mission, les valeurs et les principes coopératives se concrétisent dans
ses action et se manifestent réellement dans les pratiques commerciales et de
gestion de la coopérative. Il veille à la promotion et à l'observance des
valeurs, des principes coopératifs et au respect des règles du code de
déontologie. Il voit à ce que la coopérative mette en place des pratiques pour
favoriser l'éducation financière, économique et coopérative des sociétaires. Il
s'assure de la collaboration de la coopérative avec les autres coopératives et
les différentes composantes du mouvement. Il s'assure de la pertinence et de la
portée des actions réalisées par la coopérative en termes de satisfaction des
membres et d'engagement envers le milieu. L'article 2 de
la loi sur les CEC en Haïti affirme à juste titre «Une coopérative est une entreprise ayant des objectifs, une structure et des organes
administratifs qui la différencient de la société[5].» Il
poursuit qu' « En plus de son objet fondamental, la CEC se doit
de: a) favoriser la coopération entre les sociétaires, entre les
sociétaires et la CEC, et entre celle-ci et d’autres organismes coopératifs;
b) promouvoir l’éducation économique, sociale et coopérative. »
Conclusion
Plus nécessaire aux comités de surveillance
de se cantonner dans un rôle de contrôleur de gestion ou d'opération réduit en
la vérification des caissettes, des caisses et en la réalisation des
inventaires en fin d'année. Ils doivent s'intéresser aux valeurs étiques et
déontologiques, à la mise en application de l'identité coopérative: la vision,
les valeurs et les principes coopératives? Le CS doit vérifier si la
coopérative œuvre pour la satisfaction voire l’amélioration des conditions
sociales et économiques des sociétaires, si le souci de leur
bien-être est une préoccupation pour les dirigeants. Toutefois les membres des
CS doivent être dotés d'instruments adéquats et bénéficiés de formations
appropriées pour réaliser leur mandat.
Nonais Derisier
10 Décembre 2015
[1] Le gérant percevait une gratification
annuel qui s'élevait généralement à 10% des excédents à la fin de l'exercice.